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Woubi chéri

Par rodmann, dimanche 31 mars 2024.


Woubi chéri est une pépite documentaire pour la rareté de son sujet, et pas seulement. Les réalisateurs Laurent Bocahut et Philip Brooks nous emmènent en Côte d’ivoire, à la fin du XXème siècle, rencontrer quelques personnes queers parmi ces hommes invisibles qui vivent « une vie cachée, comme des chauves-souris » au cœur d’Abidjan.

La culture queer que nous avons, nous la prenons souvent pour universelle parce qu’elle s’est éventuellement répandue et partagée dans autour de notre périmètre, à travers les produits culturels, les idées, que nous diffusons. C’est le cas pour l’Europe, ou les USA par exemple. Nous oublions que chaque société développe ses sous-cultures propres, ses images, ses langages, ses modèles.

Il est donc éclairant de faire un tour dans l’Abidjan de 1998, à la rencontre des « homos », qui se définissent comme « woubis » ou « yossis », et de chercher nos analogies et nos différences, à commencer par le vocabulaire.

Le documentaire accompagne très amicalement des moments de confessions intimes, par exemple ceux d’Avelido et Vincent.

Laurent raconte la difficulté universelle de grandir différent et de trouver sa place dans une société sans modèle.

Certains gagnent ou imposent le respect en famille.
La plupart préfère le secret.

Les woubis et les Yossis n’ont pas le même statut. Les Yossis ont une plus grande intégration sociale. Pour certains woubis, les yossis préfèrent leur sécurité, leur intérêt, à l’amour.

D’autres personnages se racontent dans le film, et parmi eux, il est impossible de ne pas tomber en admiration pour Barbara, Présidente de l’association des travestis de la Côte d’Ivoire. Elle milite, elle chante, elle incarne ce qu’elle représente.

Barbara aime sa vie et elle l’explique. Elle convainc avec ses armes : une détermination douce, une pédagogie séduisante.
Les travestis, en adoptant les codes des femmes, trouvent une forme d’intégration, mais qui est très fragile. L’homophobie n’est jamais loin. La mise à l’écart des woubis en a conduit certains à se prostituer pour survivre. Aucune loi pénale ivoirienne ne sanctionne les comportements LGBT mais aucune disposition ne les protège non plus. Le documentaire est d’autant plus émouvant à voir, alors que la situation empire en Côte d’Ivoire. 25 ans après le documentaire, la loi a été modifiée pour définir le mariage comme étant une union d’homme et d’une femme, et la plupart du temps les arrestations de gays ou lesbiennes se fondent sur l’article 360 du code pénal sur une vague notion « d’outrage public  ». Elles servent à leur faire subir humiliations, coups ou tortures. C’est un revers de la visibilité.

Woubi chéri est une lgbition rare qui nous requestionne sur nos relations sociales, et les rôles que nous endossons, et par conséquent la construction de nos identités LGBTIAQ+, à travers la découverte de ces ivoiriens. Un voyage intérieur.

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 Meilleur film documentaire gay et lesbien de Turin 1999.
 Un film produit par Arte / Dominant 7, disponible sur harmattantv.org.
 Étude de l’OFSAR sur la situation des queers en Côte d’Ivoire.




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