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La tarlouze et le frocio

Par rodmann, jeudi 16 août 2012.

Stéphane Corbin nous explique dans Têtu [1] via une dépêche AFP en novembre 2009, à propos de « Louis Nicollin, que le Figaro présentait il y a trois jours encore comme « un personnage de légende, truculent et généreux », s’est encore distingué par une saillie homophobe dont il a désormais le bien triste secret », visant le joueur Benoît Pedretti en ces termes : « Lui c’est une petite tarlouze ». Pour se faire pardonner, Nicollin signe quelques mois plus tard la Charte contre l’homophobie proposée par le Paris Foot Gay.
Et puis début avril 2012, il récidive [2], en parlant de lui-même « D’ailleurs au dernier moment j’y suis pas allé parce que j’avais peur. (...) Ouais, je suis un pédé, mais enfin qu’est-ce que tu veux, j’ai eu peur », ce qui lui vaut de se voir retirer le Prix Pierre Guénin contre l’homophobie 2012. SOS Homophobie et Pierre Guénin : « Nous sommes au regret de constater aujourd’hui qu’on ne pouvait leur accorder que peu de prix, et que l’insulte ou le commentaire à caractère homophobe font hélas bien partie du patrimoine génétique et “culturel” du Président du Club de Football de Montpellier ».

SOS Homophobie et le Paris Foot Gay travaillent depuis longtemps sur l’environnement du football. Déjà en 2005, nous pouvions lire dans Têtu [3] leur réaction après les propos de David Ginola (qui n’avait jamais « vu ou assisté ou personnellement vu un homosexuel dans un vestiaire ou sous la douche »). Mais il y eu évidemment des tentatives de tolérance. En 2007, Metro [4] faisait état du tournois B Yourself organisé par le PFG et le PSG pour l’opération Carton rouge à l’homophobie.

Il n’est pas facile de mettre en place des actions de prévention contre l’homophobie dans les clubs de foot. En 2010, « la Fédération anglaise de football, devait lancer une campagne télévisée contre l’homophobie » nous dit Football [5], montrant « un individu qui choque tout le monde en proférant des propos homophobes dans la rue, dans le métro et sur son lieu de travail, puis lors d’un match de football, où là, son attitude ne dérange pas le moins du monde. En résumé, les insultes homophobes sont intolérables dans la vie de tous les jours, mais admises dans les stades de football, d’où la question que pose cette vidéo : pourquoi en serait-il autrement dans un stade ». Le spot n’a pas été diffusé, selon The Guardian et The Independent, car « la Football Association ait fait machine arrière en raison du refus de nombreux footballeurs anglais de participer à la campagne, par crainte des moqueries... ».

En Italie aussi, j’imagine que les injures sont aussi courantes, et l’une d’elle n’est pas passée inaperçue.
Le Nouvel Observateur [6] résume Reuters le 12 juin 2012, en informant, entre autres, que Cassano, « l’attaquant italien Antonio Cassano a suscité l’indignation mardi en conférence de presse, affirmant espérer que la Squadra Azzurra ne comptait pas d’homosexuels dans son effectif ».

7 sur 7 [7] raconte le 12 juin 2012 que « L’attaquant de l’Italie Antonio Cassano a provoqué mardi l’indignation d’un groupe de défense des droits des homosexuels après avoir usé d’un terme injurieux lors d’une conférence de presse ». À un journaliste qui lui demandait s’il y a avait bien deux métrosexuels ou homosexuels dans l’équipe italienne, Cassano rétorque :
«  "C’est quoi un métrosexuel ?", a-t-il d’abord demandé, avant de poursuivre : "S’il y a des pédés c’est leur problème, j’espère qu’il n’y en a pas dans l’équipe nationale. Mais s’ils sont pédés, c’est leur affaire, Y en a-t-il ? Je ne sais pas." ».
20 minutes.fr [8], en fait un paragraphe.

Le lendemain, c’est SoFoot [9] qui reprend l’histoire, en complétant avec la réponse du Gay Centre italien, qui parle d’« arrogance et irresponsabilité » à propos du joueur, qui regrette déjà ses propos : « l’homophobie n’est pas un sentiment qui m’anime (…) Chacun mérite le respect ».

Sports.fr [10] fait un autre état de la réponse de Cassano : « Je suis sincèrement désolé que mes déclarations aient provoqué la polémique et les protestations des associations homosexuelles. (...) Je ne veux offenser personne et je ne veux surtout pas remettre en cause la liberté sexuelle de qui que ce soit ». L’info est reprise dans Ouest France [11].

Avec Sport Inside [12], nous apprenons des détails sur « Cecchi Paone, une vedette de la télévision italienne », pour qui « il y aurait dans la Squadra Azzurra deux joueurs homosexuels et deux métrosexuels », et sur le porte-parole du Gay Centre, Fabrizio Marrazzo, qui aurait déclaré « Cassano dit des cassanate sur les gays en faisant preuve d’arrogance et d’irresponsabilité ».

Heureusement, un article mieux rédigé (non signé, peut-être une dépêche d’agence) publié par Chronofoot [13] vient nous « replacer dans le contexte ». Alessandro Cecchi Paone serait en fait journaliste et écrivain, auteur d’un livre sur le sexe et le sport [14], et il a déclaré quelques jour plutôt, sans donner de noms, « Dans la Nazionale, il y a deux homosexuels un bisexuel et trois métrosexuels ». Cassono aurait répondu « "Oh là, il faut que je réponde à cette question ? Si je dis ce je pense..." On sentait déjà la bourde à mille lieux. Et Cassano a finalement fait du... Cassano : "Il y a des pédés dans l’équipe ? Bah, ils sont pédés, c’est leur problème. J’espère qu’il n’y en pas dans l’équipe mais bon c’est leur problème" ». Pourtant, le joueur « avait été briefé sur le sujet par le service de com’ ». Le journaliste Paone aurait fait ce commentaire : « Ça c’est de la discrimination, c’est comme s’il disait que ces joueurs gays qu’il y avait ou qu’il y a dans ses équipes à lui, et qui l’ont peut-être aidé à marquer, c’était mieux s’ils n’avaient pas été là ». Paone, le journaliste, aurait dit à La Gazetta, « J’ai eu une relation avec un joueur de cette Nazionale, il n’est pas marié, il n’a pas d’enfants et il m’a dit qu’il y avait un autre joueur gay dans cette équipe. Ils ne font de mal à personne, au contraire, ils se cachent parce qu’autour d’eux ils ont des gens comme Cassano ».

Aucun journaliste français ne se demande pour quelle raison Paone a-t-il eu ce comportement face à Cassano. Paone a-t-il essayé de tester le joueur, ou de lui faire sortir des noms en public ?

Pas de réponse non plus dans Football.fr [15], qui reprend la trame de Chronofoot (Reuters ?), mais qui nous rappelle aussi qu’un autre joueur, Marcello Lippi, avait dit en 2009 à peu près ce que disait Ginola, « Honnêtement, je pense qu’il n’y a pas de gays chez les footballeurs. En quarante ans, je n’en n’ai jamais connu. Je pense plutôt que certains ont des tendances, mais qu’ils n’iraient pas jusqu’à faire des propositions ou à manifester leurs penchants (…) Je pense que cela serait difficile, vu comment sont faits nos joueurs, qu’un homosexuel puisse vivre sa profession de manière naturelle ».

Le lendemain, Le Point [16] via l’AFP reprend brièvement l’histoire, mais cette fois le mot frocio est écrit correctement, pas frocho comme dans Sport Inside.

Le 17 juin, SoFoot [17] nous raconte la suite de l’histoire : « un journaliste officiellement gay a déclaré hier avoir voulu rencontrer l’attaquant italien (…) lui expliquer comment sont les choses, afin de lui faire comprendre qu’il avait dit des conneries et, d’une certaine manière, faire la paix avec les millions de gays et lesbiennes italiens (…) Cassano aurait refusé l’invitation ».

En juillet, « L’attaquant de l’Italie Antonio Cassano a été condamné à 15.000 euros d’amende par l’UEFA » selon RTL.be [18], SoFoot [19], 7sur7.be [20], l’Équipe [21], Europe 1 [22], MadeinFoot [23], ou Têtu [24].

La presse italienne [25] confirme ce que publie Chronofoot, et il est possible de revoir [26] la conférence de presse de Cassano.
Nous pouvons aussi apprendre des journaux italiens qu’Alessandro Baracchini [27], un journaliste de RaiNews, s’est révélé gay en direct, en commentant l’affaire Cassano.


La presse, notamment sportive, commence à mettre la pression aux professionnels du football contre le climat homophobe ambiant.


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Notes et bibliographie :

[14Il campione innamorato. Giochi proibiti dello sport de Flavio Pagano Alessandro Cecchi Paone, éd. Giunti, 2012



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