Sous ce titre de polar plutôt classique, commence une histoire titrée le 25 mai 2012 par RTL [1] : « Membres humains reçus par la poste : la piste d’un acteur porno qui tuait des chats ». En effet, « La police montée annonce avoir émis un mandat d’arrêt national envers un certain Rocco Luka Magnotta, également connu sous les pseudonymes Eric Clinton Newman et Vladimir Romanov », au cours d’une enquête « glauque » sur des morceaux de corps humains retrouvés ou qui auraient été envoyés par colis postal par le jeune suspect de 29 ans.
RTL nous apprend aussi que « Si le porte-parole de la police de Montréal n’a pas mentionné les activités d’acteur bisexuel de films pornographiques de Magnotta, celles-ci sont largement rapportées sur différents sites internet », sans nous dire pour autant sur quels sites on peut voir ou lire sur les films pornos sus-cités.
Encore plus fort, « selon la presse québécoise », l’homme « mentalement retardé » serait « accusé de faire l’apologie de la nécrophilie ou du cannibalisme ».
Le 31 mai, France Soir (avec l’AFP), nous apprend que Ragnotta est « un acteur porno raté », en fuite, peut-être vers la France, « selon The Globe and Mail, citant des sources non identifiées ». L’homme serait « fier ce ce qu’il a fait » selon un psychiatre, à propos d’une vidéo qui « montrait le meurtre, à l’aide d’un pic à glace, d’un homme nu ligoté sur un lit, puis le démembrement de son corps et différents gestes barbares auquel se livre l’assassin sur son corps ». France Soir ajoute que le suspect maintenant traqué par Interpol [2], « Acteur bisexuel de films pornographiques, présenté aussi dans les médias canadiens comme un prostitué, il cherchait à se faire de la publicité en plaçant sur internet des vidéos dans lesquelles il tuait des chats », s’appelait vraiment Eric Clinton Newman avant de changer de nom en 2006. Et France Soir continue avec « Des rumeurs sur internet », qui « lui ont prêté aussi une liaison avec une femme, Carla Homolka, qui avait été condamnée pour participation au viol et et au meurtre de deux adolescentes et de sa soeur ».
Paris Normandie [3] se contente le même jour d’un résumé de dépèches, mais les détails du meurtre sexuel sont donnés par Le Journal de Montréal [4] et 20 Minutes [5].
Valentine Pasquesoone (avec agences) dans Le Monde [6], passe en revue les sources d’information disponibles, notamment Le Nouvel Observateur [7] qui confirme via AP que Ragnotta est recherché en France, Le Globe and Mail [8], Le Journal de Montréal [9] qui confirme aussi sa fuite vers la France, La Presse [10] qui apporte des éléments de l’enquête dont l’identité de la dernière victime, Jun Lin, son amant, CBC News [11] qui montre même des images de la police avec le sac qui contient un morceau de la victime, ou encore The Sun qui aurait reçu des messages de Ragnotta affirmant, après avoir posté des vidéos sur des chats tués, sa très probable récidive sur des humains.
Cette dernière information est reprise, photo d’un chaton étouffé par un python à l’appui, par Atlantico [12] qui relate les propos recueillis par The Sun [13] : le journal britannique avait alerté la police sur les vidéos macabres du jeune homme.
La « chasse à l’homme contre un tueur sanguinaire canadien » commence donc, selon le titre de Libération [14] qui reprend les informations déjà fournies par l’AFP.
« Déguisé en femme pour déjouer les policiers ? » se demande Le Journal de Montréal [15], car d’après « l’avis crédible d’un ex-enquêteur de police chevronné », Ragnotta « voulait ressembler à l’acteur James Dean. On le voit sur Internet portant des perruques. Il se dit bisexuel », d’ailleurs il aurait été « vu maquillé et portant une jupe à quelques reprises dans un dépanneur de la rue Charlevoix (…) Il avait comme une face en plastique. C’est comme si le type voulait avoir l’apparence d’une femme ».
Ragnotta « serait arrivé par avion à Paris le week-end dernier, a-t-on appris vendredi de source policière » selon Le Nouvel Observateur [16], ce que confirme La Presse [17] car « Les enquêteurs savent que Magnotta a pris l’avion de Montréal vers la France le 26 mai. Il a utilisé un passeport à son nom. »
Nice Matin [18] pense que c’est plausible puisqu’il « a notamment posté plusieurs photos qui auraient été prises à Nice, Monaco ou Bordighera » sur son compte Myspace.
Mais « Les enquêteurs n’écartent pas non plus la possibilité que le suspect soit parti vers l’Europe de l’Est, la Russie, ou qu’il soit revenu au Canada » d’après confirme La Presse [19], qui précise aussi que « la police de Montréal a confirmé publiquement l’identité de la victime (…) Jun Lin, 33 ans ».
La Dépêche [20] se demande « L’acteur bisexuel, présenté dans les médias canadiens comme un prostitué (…) est-il un psychopathe ? Un sadique pervers ? ».
En toute logique donc, « la police française effectuerait des "recherches ciblées" pour retrouver Luka Rocco Magnotta » selon Atlantico [21] le 2 juin, qui titre sur « le cannibale canadien », information partagée par Le Nouvel Observateur [22], qui ajoute au portrait du Ragnotta qu’« Il aurait également épousé les thèses des suprémacistes de la race blanche. Le site d’extrémistes blancs stormfront.org, dirigé par un ancien leader du Ku Klux Klan, Don Black, publie des messages datant de mai 2011 qui citent nommémment Lukka Magnotta sur ses prises de positions anti- immigration, en en faisant l’éloge ».
Libération [23] n’est pas en reste sur le portrait en ajoutant « Interviewée par la chaîne publique CBC, la transsexuelle Nina Arsenault, qui affirme avoir eu une relation avec Magnotta, l’a décrit comme "manipulateur, menteur, irascible et souvent autodestructeur" ».
Le Nouvel Observateur [24] du 3 juin nous apprend que Ragnotta aurait bu un Coca dans un bar des Batignolles où il aurait été « très nerveux » selon les témoins.
Slate [25] prétend que « les enquêteurs amateurs du web qui ont retrouvé sa trace avant la police ». Pourquoi ? Au moyen de Facebook, il a été « recherché depuis plus de deux ans par un groupe d’enquêteurs amateurs persuadés qu’il est un tueur de chats », grâce à une vidéo dans lequel il tue des chatons. « Les membres du groupe ont notamment rédigé un rapport de 14 pages sur le jeune homme, envoyé à la police canadienne ». 20 Minutes [26] pense d’ailleurs que la police enquête sur lui depuis plus d’un an.
Dans cette grande enquête qui passionne le web, le canadien est poursuivit pas à pas. Damien Delseny, nous informe que « les polices de cent quatre-vingt-dix pays disposent en tout cas de son signalement en quatre langues, anglais, français, espagnol et arabe », et que « sa trace se perd à l’aéroport de Roissy » dans Le Parisien [27].
Dès le lendemain, Libération [28] ajoute que « "le dépeceur canadien" aurait d’abord été hébergé chez une connaissance à Clichy- la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, avant de fréquenter le XVIIe arrondissement. Il aurait ainsi logé à l’Hôtel des Batignolles et fréquenté le bar Le petit Batignolles, où il aurait été vu en présence d’un homme qu’il semblait connaître. Il se serait ensuite rendu dans un hôtel de Bagnolet », et, qu’à court d’argent Ragnotta aurait commis des vols. Le Parisien [29] et Atlantico [30], Paris Match [31] confirment les informations.
Le Nouvel Obs [32] donne quelques détails comme par exemple que le suspect a « emporté des bouteilles de Coca-Cola vides en prenant la précaution de ne pas y déposer d’empreintes ».
Mais déjà Le Point [33] du 4 juin relate que « Luka Rocco Magnotta a été arrêté lundi sans opposer de résistance dans un cybercafé d’un quartier populaire de Berlin » d’après l’AFP. Pour Le Figaro [34], « la police judiciaire a pu remonter son itinéraire. Le mobile qu’il a utilisé, et dont il s’est peut-être débarrassé depuis, a activé de nombreuses bornes relais, comme autant de petits cailloux semés sur son passage ».
Atlantico [35] met à jour l’un de ses articles pour informer que « Le dépeceur canadien devrait être extradé d’ici fin juin », et Le Nouvel Obs [36] ajoute qu’il ne s’y opposera pas.
Le 7 juin, Le Parisien [37] annonce que « Luka Rocco Magnotta (ici après son arrestation à Berlin) pourrait être lié à un autre meurtre, celui du "depecé d’Hollywood" », l’information est reprise par Atlantico [38], Le Point [39] ou Paris Match [40]. La victime, un homosexuel de 66 ans : « une tête humaine dans un sac plastique à proximité des sentiers qui mènent à Hollywood Sign. Alertés, des policiers accompagnés de brigades cynophiles ont retrouvé sur le site deux mains et deux pieds ».
En Floride aussi, la police pense à Ragnotta dans une affaire de « restes humains enveloppés dans des sacs de plastique avaient été découverts flottant dans la baie de Biscayne en 2009 » d’après Canoe [41].
Finalement Ragnotta est extradé nous apprend Atlantico [42] et la police de Montréal a retrouvé la tête de Lin Jun d’après Le Nouvel Obs [43], Le Monde [44] ou Atlantico [45].
Dominique Rizet se demande dans Atlantico [46] « Le dépeceur de Montréal aurait-il commis son crime si Internet n’avait pas existé ? » Son crime, il ne l’a pas commis seulement dans le but de tuer et dépecer une personne, c’est aussi une opération de communication. Il a mis en ligne la séquence du meurtre, raconté sa démarche sur son blog. Ce n’est pas simplement « le faire » c’est surtout « le faire savoir »
D’ailleurs Ragnotta publie des vidéos de lui pendants sa cavale nous révèle 20 Minutes [47].
Magnotta est présenté comme bisexuel, pourtant aucun élément relaté de son histoire ne permettrait de le croire vraiment. Magnotta réfute le terme homosexuel dans Le Monde [48], « Dans ses écrits, il laisse entendre avoir été battu et abusé sexuellement, avoir essayé l’alcool et la drogue et être devenu maniaco-dépressif. Il aurait aussi adhéré à l’église de scientologie. Selon le psychiatre Gilles Chamberland, interviewé par Radio-Canada , il aurait souffert de beaucoup de frustrations et "il s’en dégage des traits narcissiques, histrioniques et antisociaux".
Magnotta affiche un narcissisme poussé à l’extrême, se disant "incroyablement beau". "Je ne suis pas homosexuel, mais si je l’étais, je m’épouserais et serais obsédé par moi", a-t-il ainsi écrit. Il aurait fini par "nier sa souffrance", avant de chercher un exutoire dans l’action, pense encore le Dr Chamberland. »
Pourtant de nombreux articles présentent sa victime comme son amant dans Le Monde [49] par exemple : « en menottant son amant au lit et en l’exécutant avec un pic à glace », ou Paris Match [50] enquête avec Clément Vogt pour donner beaucoup de détails sur la vie de Ragnotta, « Mais il préfère les hommes. Nathan, un jeune homosexuel du même âge, l’a fréquenté à cette époque, au Taboo, un bar à « gogo dancers » à l’angle de la rue Dorion, à Montréal. Ils y travaillaient ensemble. ». Le Nouvel Obs [51] donne un récit aussi précis mais plus stylé sous les plumes de Marie Vaton et Elsa Vigoureux.
Les parents de la Lin Jun paraissent aussi dans le déni, à en croire Canoe [52] ou La Presse [53] d’ailleurs réagit Chantale Hétu « Renier l’homosexualité de leur seul enfant mâle découle peut-être de leur culture, mais choisir d’attaquer l’angle du racisme me déconcerte plutôt et oui, me peine ».

