Le personnage gay de LA série française des années 80, n’a duré que trois épisodes.
Pour faire face à la série américaine Dallas, qui cartonne sur TF1 depuis 1981 avec un record de 16M de téléspectateurs, Antenne 2 riposte, 4 ans plus tard avec la série Châteauvallon, qui met le paquet, avec un cocktail qui mélange argent, amour, sexe, meurtres, pouvoir, médias, politique etc. La recette a fonctionné, et son succès est dû à des dialogues de leur temps, des acteurs plutôt convaincants et bien dirigés pour la plupart, et surtout, une belle intrigue, très française, dans la notabilité de province : un patron de presse locale, gaulliste et autoritaire, Antonin Berg, aimerait bien épingler le petit député maire centriste de Châteauvallon, devenu ministre, sur fond de marchés publics dévoyés, de guerre de succession, de couples vacillants et de meurtres qui s’enchaînent.
L’audace de la série va aller jusqu’à présenter des personnages queer, et une passation de pouvoir d’un patriarche à sa fille, Florence, donnant ainsi le rôle principal à une femme, dans une série à gros budget. Un rôle assuré par Chantal Nobel.
Le premier personnage queer de la série est homosexuel, il s’appelle M. Condroyer.
Le deuxième épisode commence à dévoiler une histoire louche qui implique le conseiller municipal Philippe Berg, le cousin de Florence, et un autre conseiller, Condroyer, à propos d’un aménagement municipal, un marché public, des fausses factures…
Dans le troisième épisode, Travers, le journaliste de la Dépêche, force la porte du conseiller municipal à l’aménagement, M. Condroyer, pour avoir accès aux pièces du marché public de la mairie, celui des Sablons.
L’enquête du journaliste, doublée par celle de la police, finit par remonter jusqu’au maire ministre, qui tente lui-même de démasquer les corrompus de son conseil municipal dans l’épisode 4.
Philippe Berg et Condroyer finissent par être menacés par Fournier, le magnat du BTP qui magouille avec eux le marché public, à l’insu du maire. Fournier menace à demi-mot d’outer le conseiller Condroyer, et lui ordonne d’arrêter son aventure avec son jeune amant trop cher payé.
Condroyer a effectivement un jeune amant parisien, qui lui coûte cher, ou comme protégé, mais le jeune homme sent que le vent tourne à Châteauvallon, il met un arrêt à leur relation, et il ne le fait pas dans la discrétion.
Le conseiller municipal craque, il prend peur, il veut tout avouer à la police, enfin presque : il pense pouvoir porter le chapeau tout seul pour épargner son complice Philippe.
Le lendemain le corps de Condroyer est retrouvé dans le fleuve. L’autopsie conclue qu’avec de l’eau dans les poumons, il s’agit d’un suicide. Effectivement, Fournier a pu vouloir se débarrasser du maillon faible de la magouille, et Philippe Berg a pu vouloir éliminer son complice.
Le traitement de l’homosexualité sur fond de à 40 ans je me paye un gigolo qui se fiche de moi fait un peu cliché des année 80, mais dans l’ambiance générale, le personnage n’a pas plus mal traité que les autres : Armand Berg par exemple, qui a un désir incestueux envers sa sœur et qui se tape carrément sa belle-sœur. Condroyer est un homme malhonnête, mal à l’aise, parce que le maire et la police vont bien finir par le démasquer, parce qu’André Travers et Florence Berg de la Dépêche Républicaine sont aussi sur ces pas, que sa libido commence à sa savoir, et que son mignon le quitte. Ça peut faire beaucoup pour un seul homme, peut-être assez pour se suicider, l’histoire laisse la porte ouverte à une explication plus plausible. Le personnage gay de Condroyer disparaît purement l’histoire, alors que l’enquête continue pour Paul Bossis, qui est tué dès le premier épisode par un suicide maquillé.
Saura-t-on plus tard le mot de la fin sur ce personnage joué sans caricature par André Penvern ? Et bien non, car un accident automobile dont a été victime l’actrice principale Chantal Nobel, qui incarne Florence Berg, a mis un coup d’arrêt à la série. Malheureusement, l’actrice a mis des années à se rétablir. Ce drame a aussi contribué à faire de Châteauvallon une série culte, suivie dès son premier épisode par 14M de téléspectateurs.
Bref, les deux personnages gays de la série française la plus mémorable de la décennie, n’ont pas fait long feu, et n’ont pas apporté de visibilité positive.